LAURENS, Caroline du Sud - David Kennedy, militant noir des droits civiques en Caroline du Sud, a bon espoir d'obtenir la fermeture d'une boutique de tuniques du Ku Klux Klan et de T-shirts à inscriptions racistes: après tout, le bâtiment lui appartient.
Le "Redneck Shop" a ouvert en 1996 dans un ancien cinéma de Laurens dont, selon les documents judiciaires, la propriété a été transférée en 1997 au révérend Kennedy et à l'église baptiste qu'il dirige. Mais ces mêmes textes stipulent que le propriétaire du magasin, John Howard, 62 ans, est autorisé à poursuivre ses activités dans l'immeuble jusqu'à sa mort. L'affaire risque désormais d'aller en justice.
"Notre titre de propriété met un point final à l'histoire de violence, de haine et de racisme de cet endroit, ainsi qu'au recrutement du Klan" dans ces locaux, estime David Kennedy, 54 ans. "C'est le même endroit où nous devions entrer par le balcon pour voir des films avant que le Klan ne l'accapare. Il y a beaucoup d'histoire, ici."
Ce religieux a organisé des manifestations devant la boutique depuis son ouverture mais n'a toujours pas obtenu sa fermeture, John Howard arguant qu'il peut rester là jusqu'à sa mort. Or le pasteur voudrait installer dans les lieux son église, qui doit pour l'instant se contenter d'une grande caravane pour ses réunions.
En outre, il accuse le commerçant de ne pas le laisser entrer pour visiter sa propriété. Lors d'une récente visite en compagnie d'un journaliste de l'Associated Press, il a cependant été accueilli par un "Révérend Kennedy, où est-ce que vous vous cachiez?" de John Howard qui lui a ouvert la porte.
A l'intérieur étaient accrochés de longues robes à cagoule du Ku Klux Klan et des T-shirts à inscriptions racistes ainsi que des images d'hommes, femmes et enfants habillés en adeptes du KKK, tandis que des ouvrages relataient l'histoire de cette organisation violente.
John Howard affirme que tout le bâtiment lui appartenait autrefois et que quand il a ouvert son magasin, on a jeté des pierres dans ses fenêtres, craché dans son couloir ou volontairement foncé en voiture dans sa vitrine. "Il n'y a rien ici qui ne soit légal", assure-t-il, ajoutant qu'il a dirigé le KKK pour la Caroline du Sud et la Caroline du Nord.
Pour les Noirs, explique le père Kennedy, le "Redneck Shop" ravive le douloureux passé raciste de cet Etat sudiste, où son arrière-grand-oncle, par exemple, a été lynché par une foule blanche.
La ville même de Laurens tire son nom d'un marchand d'esclaves du XVIIIe siècle, Henry Laurens, et certaines plaques de rues portent toujours la lettre "C", pour signaler des foyers "de couleur". Les tensions raciales ont rejailli ces dernières années avec l'affaire de deux enseignantes blanches ayant eu des relations sexuelles avec des élèves noirs mineurs. Elles ont été condamnées à six et dix ans de prison en 2007 et 2008.
David Kennedy a pour sa part dû se battre contre le refus d'un comté de Caroline du Sud de respecter le jour férié en hommage à Martin Luther King et a participé à une campagne pour faire retirer le drapeau des Etats confédérés d'un bâtiment public. AP