PARIS, 11 sept 2008 (AFP) - "Aujourd'hui, Annie ne sait plus rien d'Annie Girardot". Sur ces mots s'achève le documentaire douloureux que le réalisateur Nicolas Baulieu a consacré à l'une des plus célèbres actrices du cinéma français, désormais privée de toute mémoire par la maladie d'Alzheimer, qui sera diffusé le 21 septembre à 23H20 sur TF1.
"Ce film a été difficile à faire émotionnellement. Il est parfois difficile à voir", assure Nicolas Baulieu, qui se présente comme un "ami de 20 ans" d'une actrice "exceptionnelle", dont il avait déjà réalisé le portrait pour France 2 en 2004.
Avec l'accord de la famille d'Annie Girardot, notamment de sa fille Giulia Salvatori, le réalisateur a filmé pendant huit mois les effets dévastateurs sur une comédienne pleine de vie d'une maladie qui touche aujourd'hui près d'un million de personnes en France.
"Quoi de plus terrible pour une actrice que de perdre la mémoire", souligne Reine Bensaïd, responsable des documentaires sur TF1.
Les téléspectateurs vont découvrir l'une des actrices les plus pétillantes et les plus gaies du cinéma français des années 70 se déplaçant avec difficulté, presque incapable d'accomplir les gestes les plus simples de la vie, cherchant vainement à retrouver dans sa mémoire le nom d'Alain Delon.
Avec émotion, ils verront Annie Girardot répétant, sans les comprendre, mais avec pourtant le ton juste, des répliques qu'on lui souffle à l'oreille par le truchement d'une oreillette.
Etait-elle consciente de son état ? Pour le savoir, dans l'espoir de retarder la progression du mal, Nicolas Baulieu lui propose de jouer, face à la caméra, le rôle d'une femme menacée de perdre la mémoire. Au moment de prononcer les paroles fatidiques qu'on lui dicte -"Vous perdez la mémoire et elle ne reviendra jamais"-, Annie Girardot hésite et se bloque. Sept prises seront nécessaires.
Par ce documentaire, Annie Girardot "devient bien involontairement un symbole", note Nicolas Baulieu. "Des gens vont s'intéresser davantage à la maladie d'Alzheimer, parce qu'elle aura montré ce que cela peut provoquer comme ravage dans l'esprit", ajoute-t-il.
"Elle s'est battue pendant une bonne dizaine d'années et avec un courage hallucinant jusqu'à la fin", ajoute le réalisateur.
Le diagnostic de la maladie d'Annie Girardot, révélé en 2005, a été posé en 2004, mais les premiers signes étaient apparus dès la fin des années 90.
Le documentaire de Nicolas Baulieu, "Ainsi va la vie", rappelle qu'Annie Girardot avait déjà souffert d'une autre forme d'oubli, celle de la profession qui pendant près de 15 ans, ne lui proposera plus de rôle. Un court extrait d'archive rappelle ses larmes lors de la remise d'un César en 1996. "Je ne vous ai peut-être pas manqué, mais le cinéma français m'a manqué follement", avait-elle lancé, avant d'ajouter que cette récompense montrait qu'elle n'était "pas encore tout à fait morte".
Le tournage d'"Annie Girardot, ainsi va la vie" s'est arrêté en février 2007, quand l'équipe a compris qu'elle n'était plus consciente des caméras qui la filmait. Aujourd'hui, Annie, hospitalisée dans une maison spécialisée, "n'a plus aucune forme de conscience de quoi que ce soit", conclut tristement Nicolas Baulieu.