les commentaires sur la mort de Paul NEWMAN me remémorent ce poème de MALHERBE.
Ta douleur, Du Périer, sera donc éternelle,
Et les tristes discours
Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours !
Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?
Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,
Injurieux ami, de soulager ta peine
avecque son mépris.
Mais elle était du monde ,où les plus belles choses
Ont le pire destin,
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L'espace d'un matin.
Puis quand ainsi serait ,que selon ta prière,
Elle aurait obtenu
D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fut-il advenu ?
Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eut plus d'accueil ?
Ou qu'elle eut moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil ?
Non ,non, mon Du Périer, aussitôt que la Parque
Ôte l'âme du corps,
L'âge s'évanouit au-deçà de la barque ,
Et ne suit point les morts.
Tithon n'a plus les ans qui le firent cigale :
Et Pluton aujourd'hui,
Sans égard du passé les mérites égale
D'Archémore et de lui.
Ne te lasse donc plus d'inutiles complaintes :
Mais songe à l'avenir,
Aime une ombre comme ombre, et de cendres éteintes,
Éteins le souvenir.
C'est bien je le confesse , une juste coutume,
Que le coeur affligé
Par le canal des yeux vidant son amertume
Cherche d'être allégé.
Même quand il advient que la tombe sépare
Ce que Nature a joint,
Celui qui ne s'émeut pas à l'âme d'un Barbare,
Ou n'en a du tout point.
Mais d'être inconsolable ,et dedans sa mémoire
Enfermer un ennui,
N'est-ce pas se haïr pour acquérir la gloire
de bien aimer autrui ?
François de Malherbe