Nature contre culture. C'est, en sourdine, la lutte sournoise que semble évoquer Jean-Michel Ribes dans son dernier film "Musée haut, musée bas", qui sort ce mercredi sur les écrans français. Il y prend position en faveur de la culture, bien sûr, mais non sans en égratigner les aspects les plus ridicules, avec humour et talent.
Dans un musée, c'est comme à la Samaritaine: on trouve de tout. Mais ce qui intéresse le réalisateur, ce sont moins les tableaux ou objets qui y sont exposés que ceux qui viennent les admirer. C'était le thème de sa pièce à succès, dont est tiré le film.
"Musée haut, musée bas" présente donc une multitude de personnages, par petits groupes, dans une multitude de petites scènes. Des visiteurs qui cherchent désespérément les Impressionnistes, d'autres leur place de parking. Un couple et ses deux enfants confrontés à la nudité des statues et qui s'interroge sur la sexualité. Une exposition photo de 350 clichés en gros plan de sexe masculin qui fait se pâmer un ministre de la Culture en col Mao. Des gardiens de musée fatigués de voir tant de beauté à longueur de journée. Un groupe de neuf personnes devenues malgré elles oeuvre d'art vivante. Une visiteuse désespérée de ne pas trouver la salle Kandinsky. Et des dizaines d'autres saynètes souvent drôles, parfois plus tragiques, d'intérêt inégal mais toujours brillantes.
Ces nombreux personnages sont interprétés par de nombreux acteurs qui donnent à ce film une distribution exceptionnelle: par ordre alphabétique, Victoria Abril, Pierre Arditi, Josiane Balasko, Isabelle Carré, Eva Darlan, François-Xavier Demaison, André Dussolier, Julie Ferrier, Gérard Jugnot, Philippe Khorsand, Valérie Lemercier, Fabrice Luchini, Valérie Mairesse, Yolande Moreau, François Morel, Dominique Pinon, Daniel Prévost, Muriel Robin, pour ne citer que les plus célèbres. Tous ont un petit rôle, et à ce jeu, la plus hilarante est sans conteste Muriel Robin (celle qui cherche Kandinsky). Seul Michel Blanc, conservateur du musée, a un rôle plus plus important: terrorisé par les plantes vertes et les animaux, il ne veut pas que la Nature vienne déranger la Culture: "Est-ce que les arbres étaient beaux avant que Corot ne les ait peints?", demande-t-il, appelant à "sauver la planète que nous avons inventée. A bas la Nature! Vive l'Art!" Comment ne pas voir, dans ce personnage, le double de Jean-Michel Ribes, homme de théâtre qui sait aussi, au cinéma, faire rire et réfléchir à la fois? Il aime la culture, mais sait se moquer de son modernisme parfois outrancier. Et ose avouer qu'il "respire mieux dans un musée que dans une forêt". "Je ne suis pas un partisan de la pollution ni des oiseaux dans le goudron, mais c'est vrai que la grande messe de l'écologie m'agace. C'est une sorte d'église, le Medef de la bonne conscience", dit-il. "Quel homme politique aujourd'hui ne veut pas sauver la planète? On nous culpabilise à chaque fois qu'un scarabée meurt en Amazonie. Moi je vous avoue ne pas trouver tout détestable dans le progrès. Je préfère habiter Venise que dans une yourte en roseaux et c'est vrai que je suis plus sensible au génie de Michel-Ange qu'à celui d'un champ de poireaux". Ce genre de déclarations politiquement incorrectes sont comme les bons films: c'est rare et ça fait du bien. AP