PARIS (AFP) - S'aimer, dire et faire l'amour en temps de conflits, tel est le thème original de l'exposition "Amours, guerres et sexualité, 1914-1945", qui dévoile un aspect très intime de la vie des soldats, à partir de samedi au musée de l'Armée, à l'Hôtel des Invalides.
"Le temps des conflits ne suspend pas l'aspiration des humains à vouloir aimer et être aimés. Or ce besoin d'amour s'exprime d'autant plus que les temps sont incertains, la souffrance et la mort lourdement présentes", expliquent les commissaires de l'exposition, François Rouquet, Fabrice Virgili et Danièle Voldman.
Les trois historiens ont puisé dans une vaste documentation pour illustrer leur propos, dans les archives de l'armée ou dans l'iconographie de l'époque des pays représentés : France, Allemagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie.
Dès la mobilisation, "on utilise des images érotisées", souligne François Rouquet, commentant les égéries vêtues de drapés suggestifs qui appellent à acheter des bonds d'armement américains. "Mais dans le même temps, il y a une grande pruderie de l'Etat, car il ne s'agit pas de tomber dans le désordre moral à l'arrière". Y compris avec la possibilité de suspendre la pension versée aux épouses en cas de soupçon d'infidélité.
Puis "hommes et femmes sont séparés et essaient de maintenir le lien, par l'écriture, en particulier pendant la Grande guerre, sans permission pendant la première année", explique Fabrice Virgili.
Côté sentimental, c'est cette feuille de chêne séchée et ajourée sur laquelle apparaît un coeur entourant le nom de l'aimée. Ou cette affiche publicitaire pour un mini-atelier portatif permettant de fabriquer des bijoux avec le métal des armes.
Côté fantasme, c'est l'infirmière, seule femme que les soldats côtoient. Ou la marraine de guerre, surtout en vogue en 1914-18, qui soutient le moral des soldats en leur écrivant. "Les soldats en viennent à vendre les adresses de leurs marraines de guerre, et cette opération vertueuse est parfois devenue douteuse, l'occasion de rencontres amoureuses aussi", souligne François Rouquet.
Jusqu'à l'évocation de l'homosexualité, par exemple dans une affiche de 1917 représentant des prisonniers russes en territoire ennemi curieusement enlacés.
Mais les autorités tentent de contrôler et d'organiser : les maisons closes sont strictement encadrées, car l'une des grandes peurs des états-majors, avant l'invention de la pénicilline, est la syphilis, qui pourrait décimer les armées. Des affiches, allemandes ou françaises, appellent les soldats à "résister à la tentation de la rue" pour leur préférer les bordels organisés.
Autre crainte: l'espionne, contre laquelle sont lancées des mises en garde par affiches, enjoignant les braves de ne pas bavarder sur l'oreiller.
L'exposition aborde également le sombre chapître des violences sexuelles --viols, mutilations-- et la "tonte" des "poules de boche" en France après la Deuxième guerre.
Elle se clôt sur l'image insolite de la photographe Lee Miller, égérie de Man Ray puis correspondante de guerre, qui se fait photographier, nue, dans la baignoire d'Hitler.
"La sexualité, que l'on pensait mise en retrait, s'est avérée non seulement associée à la guerre mais exaltée par elle", soulignent les historiens dans l'ouvrage publié par Gallimard à l'occasion de l'exposition, portant le même titre.
(Du 22 septembre au 31 décembre. Tous les jours sauf le premier lundi du mois, www.invalides.org)